Ils sont tous deux entrepreneurs dans l’âme et engagés dans l’action patronale. Alain Griset, grand patron des artisans de France, et François Asselin, ardent défenseur des PME, sont de fervents optimistes. Rencontrés peu avant Le Printemps de l’Optimisme en mars dernier à Paris, ils m’ont livré leur vision de l’entreprise, de la France aujourd’hui et de leur capacité à transmettre cet optimisme. Extraits d’un entretien paru dans le mensuel économique EcoRéseau (mars 2016).
Pourquoi avez-vous fait le choix de l’optimisme en soutenant le Printemps de l’Optimisme ?
Alain Griset : Je vais vous faire une réponse par l’absurde : je critique souvent le pessimisme ambiant, je trouve catastrophique que l’on mette systématiquement en avant ce qui ne va pas. Dans ces conditions, il est compliqué d’aller de l’avant et d’être positif. Etre dans l’optimisme, ce n’est pas être béat, c’est considérer que l’on peut changer les choses, en mettant l’accent sur ce qui fonctionne. Je suis engagé à titre personnel dans cette démarche mais également dans le cadre de mes fonctions à la tête des Chambres des métiers et de l’artisanat. L’optimisme, c’est notre façon globale de voire les choses. D’ailleurs, il y a une dizaine d’années, alors que Dominique de Villepin était Premier ministre, nous avions déjà lancé une campagne sur la positivité. C’est loin d’être un nouveau débat.
François Asselin : Je considère qu’un entrepreneur, s’il n’est pas un optimiste résolu, ne sera jamais un bon entrepreneur. Un commerçant qui ne sourit pas à sa clientèle ne risque pas de la revoir dans son magasin. L’optimisme est pour moi un choix que l’on doit poser quand bien même c’est compliqué de l’être. Mais il ne sert à rien de garder la tête dans le sable, il faut aller droit de l’avant. Seuls les optimistes avancent.
L’optimisme est-elle une chance pour l’entreprise ?
AG : Naturellement. On ne peut pas demander à des collaborateurs de s’investir dans l’entreprise, de voir les choses avec un avenir joyeux si nous mêmes, patrons, nous n’adoptons pas un comportement positif, avec des idées, une vision. Le chef d’entreprise doit être moteur et donner une perspective. C’est ce qui manque aujourd’hui à la France : il n’y a pas de projet collectif.
FA : Bien sûr que c’est une chance, même si l’on sait bien que tout chef d’entreprise connaît le risque ou la peur, comme tout être humain. Etre chef d’entreprise peut s’avérer anxiogène. C’est à lui de savoir traverser sa peur et ses angoisses tout en gardant la tête et les yeux tournés vers l’avenir et l’espérance. Envers et contre tout, il faut aller de l’avant, devant soi il y a des obstacles, des situations anxiogènes, nous avons peur comme tout le monde. Les chefs d’entreprise ont cette aptitude à transformer ce qui est négatif en positif tout en restant pragmatique par rapport à ce qui est positif. Mais je crois sincèrement que nous ne sommes pas tous égaux devant cette capacité de résilience et de résistance à la peur et à l’angoisse.
Comment un patron peut-il offrir de l’optimisme à ses collaborateurs ?
AG : Je vais vous répondre de façon très personnelle. J’ai démarré ma carrière à 22 ans comme taxi à Lille. J’ai eu la chance pendant plus de 10 ans de transporter des enfants très lourdement handicapés. Je ne les ai jamais entendus se plaindre. Alors, voyez vous, je considère que la chance qui est la mienne d’être en bonne santé ne me donne pas le droit de me plaindre. Positiver résout beaucoup de choses. J’essaie de communiquer cette vision aux autres, et notamment à mes collaborateurs : avoir des projets, minimiser les difficultés, positiver les choses. J’espère qu’ils s’en aperçoivent. En tout cas, mes collaborateurs me parlent plus souvent de projets que de problèmes !
FA : Je pense qu’il n’y a pas point d’éducation sans exemple. Quand on est chef d’entreprise, on est regardé comme un chef. S’il y a bien une chose qui se transmet très rapidement, c’est l’angoisse. A nous de transmettre l’espérance et le positivisme. Cela nécessite d’être en veille constante sur la manière dont on est regardé. Les actes que l’on pose, les gestes que l’on fait trahissent notre état d’esprit. Si l’on veut transmettre quelque chose de positif, il faut d’abord savoir soi-même quel regard nous posons sur les choses. On ne veut plus parler de paternalisme dans le monde économique et de l’entreprise et pourtant, gérer son affaire « en bon père de famille » (comme on le disait avant), c’est plutôt rassurant, et nos salariés en redemandent. Cela nécessite beaucoup de volontarisme et de courage.
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Alain Griset, 61 ans, a été réélu en 2011 à la présidence de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) pour une troisième mandature. Fils d’ouvrier lillois, artisan taxi de métier, Alain Griset est également Président de la Chambre des Métiers du Nord Pas-de-Calais. Fervent défenseur de l’apprentissage et modèle d’ascension sociale, il a toujours souhaité inscrire l’artisanat dans la modernité.
François Asselin , 52 ans, dirige depuis 1993 l’entreprise créée par son père en 1957. Spécialisée dans la restauration de monuments historiques, l’entreprise implantée à Thouars (Deux-Sèvres) a affiché un chiffre d’affaires de plus de 15 millions d’euros en 2014. François Asselin a été élu en janvier 2015 président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME).