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Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde
L’un est spécialiste du voyage sur-mesure, l’autre leader des ventes privées d’hôtels haut de gamme. Jean-François Rial (Voyageurs du Monde) a pris un virage stratégique à 180° pour faire face à la déferlante internet, Hervé Lafont (VeryChic)a choisi le Web comme business model. Extraits d’un entretien paru dans le mensuel économique EcoRéseau (Juillet/Août 2016).
Vous rappelez-vous les débuts de votre entreprise ?
Jean-François Rial : C’était il y a plus de 20 ans. Spécialiste dans l’évaluation des risques financiers, j’étais à l’époque directeur général de Fininfo, une entreprise d’information financière. En 1992, je suis revenu d’un voyage de deux mois au Sahara avec le désir de changer complètement de vie et surtout de métier. A la même époque, j’ai rencontré Alain Capestan, qui deviendra mon associé dans l’aventure Voyageurs du monde. Ensemble, nous avons décidé de voler de nos propres ailes et d’investir dans un petit tour-opérateur, Déserts. A l’époque, cette entreprise était plutôt mal organisée, ses équipes peu motivées. Le risque était important : la rentabilité du secteur restait à prouver. Et ce fut un échec, notamment à cause de la situation algérienne, pays dans lequel plus de 80% des activités touristiques avaient été supprimées. En 1996, nous avons racheté Voyageurs du Monde. A l’époque, l’entreprise affichait à peu près 30M€ de chiffre d’affaires et s’était spécialisée dans les voyages de groupes et les vols secs. Nous l’avons complètement réorientée vers le voyage individuel sur-mesure et le trekking.
Hervé Lafont : Nicolas Clair et moi avons lancé VeryChic il y a 5 ans. Lui avait passé quelques années à la tête d’une centrale de réservation d’hôtels, moi j’avais créé One Direct, qui s’est imposé en 10 ans comme le leader de la distribution de matériel de téléphonie en ligne. C’est au bord d’une plage de Barcelone, où nous vivons tous les deux, que l’on a eu l’idée de Very Chic en discutant de nos secteurs d’activité respectifs et de notre passion commune pour le voyage. Nicolas et moi avons lancé et défini ensemble le projet. Nous avons été rejoints un peu plus tard par Charles Decaux, notre troisième associé, qui pilote la partie marketing. L’idée est partie d’un constat qui est une vraie réalité : même dans les hôtels les plus extraordinaires, il reste des chambres invendues et donc une opportunité à saisir pour vendre ces chambres à un prix sympa. Les années 2011 et 2012 avaient été des années très difficiles pour le tourisme : les hôteliers étaient prêts à écouter notre discours. Un autre phénomène concomitant avec le lancement de VeryChic a été le développement fulgurant de Airbnb et le modèle de location d’appartements entre particuliers qui devenait une concurrence forte pour les hôteliers. Notre pari s’est révélé payant dans ce contexte de crise et d’évolution des usages.
« En tant qu’entrepreneur, je n’ai qu’une obsession : à quoi servons-nous ? »
Comment parvenez-vous à apporter un niveau de service à la hauteur des attentes de vos clients ?
JFR : Nous avons la chance d’avoir des clients très fidèles : 90% des personnes qui ont voyagé avec nous repartent au moins une fois dans les trois ans qui suivent. Parmi elles, de grands voyageurs qui nous confient être « drogués » à Voyageurs du Monde. De fait, chez nous, il n’y a pas un voyage qui se ressemble. Pour continuer à satisfaire nos clients, nous devons rester innovants et à leur écoute. Je suis en veille permanente, je passe mon temps sur les réseaux sociaux, j’échange beaucoup avec mes collaborateurs. Et puis j’épluche tous les retours clients sans exception. Il n’y en a pas un seul que je ne lis pas.
HL : VeryChic propose une sélection d’hôtels extraordinaires en vente privée à travers l’Europe. Nous choisissons minutieusement les adresses que nous proposons à nos membres à travers trois critères qui sont notre marque de fabrique : une localisation parfaite, un service impeccable et une singularité qui constitue la marque de fabrique de l’hôtel. Ensuite, grâce à notre connaissance du monde du voyage, nous négocions avec l’hôtel des prix inférieurs au marché ainsi que des avantages exclusifs. Parmi nos 65 collaborateurs, nous avons 25 chefs de produits en charge d’une zone géographique : ils se déplacent en moyenne deux fois par mois sur une partie de leur zone pour rencontrer les hôteliers, découvrir de nouveaux hôtels, négocier la programmation des offres. Cette présence très forte sur le terrain nous permet de garantir un niveau de service à la hauteur de la promesse VeryChic. Nous ne testons pas les hôtels en envoyant un client anonyme. Nous sommes sur le terrain en permanence pour visiter les hôtels et vivre ce qui fait leur unicité. Nous sortons du factuel pour donner un point de vue complètement subjectif de l’hôtel qui raconte notre expérience. Cela nous permet d’identifier un élément saillant sur lequel nous allons pouvoir bâtir une histoire : un restaurant exceptionnel, une piscine sur le toit, une vue époustouflante.
Considérez-vous votre entreprise comme une entreprise citoyenne, engagée pour un tourisme durable ?
JFR : Je ne suis pas très à l’aise avec cette question : quand on fait des choses bien, j’estime qu’il faut éviter d’en parler. Mais chez Voyageurs du Monde on trouve par exemple insupportable de voir des migrants mourir en traversant la Méditerranée. Ainsi, nous avons versé 100 000€ à l’association européenne de sauvetage en mer SOS Méditerranée. En 2009, nous avons créé la fondation Insolites Bâtisseurs pour accompagner des programmes d’aide aux pays en développement. Nous lui reversons 7% de nos bénéfices chaque année. De la même façon, il n’est pas pensable pour nous de vendre des voyages qui ne soient pas des voyages « durables », c’est-à-dire qui ne dénaturent pas la nature, qui ne respectent pas les coutumes des populations locales, qui ne détruisent pas le patrimoine local et culturel. Nos clients connaissent nos actions. Sont-ils sensibles à cela ? Pas toujours. Je pense qu’ils nous choisissent d’abord pour la qualité de notre service.
HL : Dans une bien moindre mesure que Voyageurs du Monde, mais je pense que oui. La dimension citoyenne d’une l’entreprise est également liée au management de ses équipes. Nous sommes une entreprise jeune, la moyenne d’âge est de 29 ans, nous avons une équipe très stable et nous veillons en permanence à l’ambiance du management et au bien-être de chacun dans l’entreprise. Car nous sommes convaincus que si l’on veut construire une relation pérenne avec nos clients, nous devons commencer par entretenir une relation durable très forte avec nos salariés.
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