Virginie Guyot a été la première et la seule femme à prendre le commandement de la Patrouille de France. Claire Cano,
promo HEC 2012, a créé LuckyLoc pour permettre aux professionnels de l’automobile de déplacer leurs véhicules en les
louant à des particuliers pour 1 euro. L’une entreprend sa vie avec brio, l’autre crée une entreprise.
Rencontre avec deux femmes qui ont contourné tous les obstacles au cours d’une interview croisée réalisée pour le mensuel économique national EcoRéseau et publiée en octobre 2015.
Comme vous êtes vous lancées l’une et l’autre dans de tels défis ?
Virginie Guyot : Toute petite, je rêvais d’être pilote de chasse. En réalité, le déclic s’est produit lors d’un baptême de l’air à l’âge de 12 ans. J’ai eu envie de voler. Mon éducation a ensuite conditionné ce choix. Je souhaitais faire un métier d’action, où je pouvais me sentir utile, mettre mon quotidien au service de mon pays. Bref, ma passion de l’aéronautique associée à cette vocation militaire ont naturellement guidé mon parcours.
Claire Cano : En 2009, je suis partie en Nouvelle-Zélande effectuer une année d’échange universitaire dans le cadre de mes études à HEC. Sur place, au bout du monde, j’ai découvert l’entrepreneuriat et le concept du « drive away » et j’ai eu envie de dupliquer l’idée au marché français. J’ai lancé le projet LuckyLoc, au cours du Master Entrepreneurs que j’ai effectué par la suite, avec un autre étudiant HEC, Idris Hassim, mon associé dans l’aventure. Bref, j’avais eu une bonne idée, il fallait absolument que je la développe, pour que ce ne soit pas quelqu’un d’autre qui s’en charge !
Avez-vous rencontré des obstacles dans la construction de votre projet professionnel ?
VG : Bien sûr, la formation de pilote de chasse est une formation très difficile, très sélective, qui s’échelonne sur plusieurs années et qui nécessite un investissement personnel intense. Après mes études d’ingénieur, j’ai attaqué trois années de formation militaire et aéronautique. Puis j’ai suivi des formations dans les écoles de pilotage de l’Armée de l’air avant d’être affectée à Reims sur l’avion d’arme que j’avais choisi : le Mirage F1CR, monoplace de reconnaissance tactique et d’appui-feu. A 25 ans, diplômée chef de patrouille sur Mirage F1CR, je suis partie sur le théâtre d’opérations extérieures en Afrique et en Afghanistan. En 2008, j’ai eu la chance d’être sélectionnée pour intégrer la Patrouille de France, sur la base de Salon-de-Provence. Après une année de commandant en second (« Charognard »), j’en suis devenue le leader pour la saison 2010. En 2012, j’ai rejoint l’Etat major de l’Armée de l’air à Paris au sein du Bureau « Emploi des forces », avant de prendre ma retraite il y a tout juste un an. Bien que très riche, cette vie professionnelle s’est construite au prix de sacrifices. Ainsi, j’ai souvent été éloignée des miens, ce qui ne m’a pas empêchée d’avoir trois enfants, le premier alors que je volais sur le Mirage F1CR, les deux autres après mon expérience à la Patrouille de France. Il m’a fallu concilier ce désir d’être maman et ma passion de pilote.
CC : La création d’entreprise n’est pas non plus un long fleuve tranquille ! Notre concept étant très innovant, il nous a fallu convaincre des professionnels de nous suivre dans l’aventure. Avant, les agences qui louaient des véhicules en aller simple faisaient rapatrier leurs voitures et camionnettes en les mettant sur des camions, sur des trains, ou devaient envoyer leurs employés à l’autre bout de la France pour aller récupérer le véhicule. Ça leur prenait du temps, mais surtout beaucoup d’argent ! Nous avons voulu proposer un vrai service gagnant-gagnant. Des petits acteurs du marché nous ont fait confiance dès le départ. Je pense notamment à Fly Car, loueur de voitures et d’utilitaires en région parisienne, qui a été le premier à nous suivre. Aujourd’hui, beaucoup de professionnels utilisent LuckyLoc pour rapatrier leurs voitures. Mais nous n’en sommes qu’au début : l’idée doit séduire le plus grand nombre pour nous permettre de faire du volume. Il y a encore pas mal d’a priori à lever. Heureusement, nous sommes accompagnés par des entrepreneurs aguerris, des personnes dont le métier est d’aider les jeunes créateurs d’entreprise. Nous avons également eu la chance d’être conseillés par le cabinet Accuracy et hébergés par Paris Pionnières, première plateforme d’innovation des femmes entrepreneures. Bref, nous nous sommes entourés de professionnels dont l’aide nous est précieuse.
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